Programme, organisation, inscription et soumission au congrès de l'IRCRA 2018
8-14 juil. 2018 Chamonix (France)

Journée sciences sociales

Le 11 Juillet 2018, nous consacrerons une journée entière aux sciences sociales pour comprendre les facteurs qui ont conduit à l'émergence de la sportivisation jusqu'à la reconnaissance olympique sous le titre générique :

Les trois dimensions de la sportivisation de l'escalade

 

 

Keynote introductive :

Olivier AUBEL, Enseignant-chercheur à l'Institut des Sciences du Sport de l'Université de Lausanne, SUISSE

Aubel

En 1989, un colloque organisé à l’Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme dressait l’inventaire des recherches en sciences sociales, sciences humaines mais aussi de la vie sur l’escalade rocheuse. Nous sommes en 2018 quelque 30 ans plus tard au même endroit avec une escalade qui a connu de nombreuses évolutions. Cette journée sciences sociales et économique du congrès a pour vocation de faire le point sur ces évolutions mais aussi pour fédérer la communauté des chercheurs qui prennent les escalades pour objet de leurs travaux.

Ces évolutions sont structurées par trois processus : institutionnalisation/codification, abstraction/ rationalisation des techniques du corps et enfin marchandisation. Ces trois processus sont ceux par lesquels évoluent les escalades mais aussi plus largement les sports nouveaux ou modalités nouvelles de sport anciens des années 1970 ; ces sports que l’on avait trop hâtivement rangé dans le courant des pratiques contre-culturelles. On peut agréger ces trois processus en un seul, celui de sportivisation car ils sont ceux par lesquels ces activités se sont rapprochées du modèle sportif dominant dès les années 1970. Nous entendons détailler ces trois processus dans la keynote introductive du congrès mais nous en servir cadrer, structurer les débats de cette journée.

Il convient ici cependant de produire deux remarques. La première est que l’activité des plus médiatiques grimpeurs, des magazines ou des entreprises du marché de la grimpe ne sont que la surface médiatique de la communauté des pratiquants qui leur permet en partie d’exister. Il existe une audience grandissante de l’escalade mais aussi des fractions fidèles et vieillissantes qui continuent de fréquenter les falaises et d’arpenter le monde à la recherche de destinations à la nouveauté sans cesse renouvelée (USA, Espagne, Madagascar, Grèce, Chine, Australie ou encore Afrique du Sud ou Argentine).

La deuxième remarque est relative à la nature du processus de sportivisation qui ne chasse pas une forme moins sportive par une forme plus avancée dans ce processus mais bien une évolution cumulative qui laisse sur son passage des modalités plus ou moins sportives. Il arrive même que des modalités apparaissent en quelque sorte en réaction à ce processus de sportivisation comme ce fut le cas avec la danse escalade ou encore le renouveau de l’escalade traditionnelle, de l’artif ou dans une certaine mesure du big wall en solo ou en libre. A ce titre, le processus de « sportization » identifié par Elias et Dunning comme une euphémisation dans la mise en jeu du corps dans un environnement de plus en plus sécurisé, aseptisé est en quelque sorte pris à rebours par un grimpeur comme Alex Honnold avec son ascension de Free rider sur El Capitan.

En considérant que ce processus est cumulatif et laisse derrière lui des modalités moins sportives, on comprend que les adeptes de ces dernières sont pour certains réticents voire opposés à tout idée compétitive institutionnalisée et plus encore à l’olympisation de l’escalade. Dès lors, c’est l’intégrité éthique de l’escalade qui est débat. L’IFSC et le CIO semblent avoir intégré cette dimension en demandant à un des grimpeurs les plus représentatifs de la sportivisation de l’escalade de mener une concertation et formaliser la charte éthique de l’escalade. J’ai nommé ici Marc Le Menestrel qui viendra nous relater ces évolutions mais aussi nous expliquer pourquoi et comment cette charte éthique a été construite.

 

L’institutionnalisation de l’escalade sportive

Appel à communication sur l’institutionnalisation des escalades :

A partir du début des années 1980, l’escalade est doublement reconnue institutionnellement et fait l’objet d’une organisation compétitive. L’escalade qui n’était qu’une des modalités de pratique de l’alpinisme a été progressivement prise en compte pour elle-même au point, du moins en France, que la fédération française adjoigne la lettre « E » à son appellation. Cela signifiait la reconnaissance de l’autonomisation de cette modalité. L’escalade est depuis devenue depuis son principal vecteur de développement d’effectifs et de reconnaissance. A l’échelon international, l’Union Internationale des Associations d’Alpinisme (UIAA) reconnaît l’escalade comme discipline de plein droit en 1988. En 2007 est créée l’ International Federation of Sport Climbing (IFSC), étape clef dans l’institutionnalisation de la discipline. Ce processus est parachevé par la reconnaissance de l’IFSC en 2010 par le CIO. Depuis les années 1980 ce processus d’institutionnalisation est concomitant voir engendré par la structuration d’un système compétitif. En 1988, la coupe du monde est créée sous l’autorité de l’UIAA. Le processus d’institutionnalisation trouve alors son point culminant avec l’inclusion de l’escalade dans le programme des épreuves olympiques des jeux de 2020 à Tokyo. Le phénomène d’institutionnalisation de l’escalade à partir de 1980 a été abordé en France (Hoibian, 1997 ; Aubel, 2002, 2005, Gloria, 2006). Une récente publication (Batuev & Robinson 2018) analyse cette institutionnalisation à l’échelle internationale depuis la reconnaissance en 1988 de l’escalade par l’UIAA à l’inclusion olympique. Nous souhaitons cependant ici pouvoir rendre compte de ce mouvement de saisie de l’escalade par des instances nationales et internationales. Il s’agira notamment de voir par un travail comparatif d’analyser ce mouvement aux niveaux des nations pour en mesurer l’ampleur, en décrire les logiques.

 

Keynote 1. Les enjeux d’une inscription de l’escalade sportive au programme des jeux olympiques – Marc Le Menestrel

 Marc LE MENESTREL. Dépertement d'Economie et de Business - Université Pompeu Fabra /INSEAD - ESPAGNE

LeMenestrel

Marc Le Menestrel, menant des recherches sur les processus de décision des entreprises et leurs dimensions éthiques, est sans doute l’un des grimpeurs le plus représentatif de l’histoire jeune de l’escalade rocheuse. Il a connu l’avènement de l’escalade sportive de haut-niveau au début des années 1980 mais aussi l’essor du système compétitif et des débats qui l’on sous tendu. Il était donc à la fois, par sa spécialisation académique et son expérience de grimpeur, le plus indiqué pour réfléchir aux tenants et aboutissants éthiques de l’intégration olympique de l’escalade. Sa réflexion a débouché sur la rédaction pour l’IFSC en collaboration avec le CIO sur une charte de l’escalade consistant à voir comment cette discipline peut conserver son identité tout en se servant du théâtre olympique pour promouvoir ses valeurs. Son objet sera ici de retracer l’historique de l’intégration de l’escalade dans le programme des jeux mais aussi et surtout de relever les enjeux éthiques de cette intégration vis-à-vis de l’identité culturelle de l’escalade. S’agit-il d’un reniement du positionnement culturel original ? Peut-on opérationnaliser cette mise en spectacle olympique pour promouvoir les valeurs que véhicule l’escalade à l’échelle de la société ? Le cas échéant quelles seraient ces valeurs ?

 

L’artificialisation des supports et ses conséquences

 Appel à communication sur les conséquences de l’artificialisation :

Un auteur français, George Vigarello, notait en 1988 que les pratiques sportives tendaient à s’éloigner des formes naturelles dont elles procédaient qu’il s’agisse des techniques corporelles ou des supports de pratiques. Ainsi dans le domaine de l’athlétisme, la forme originale du saut en longueur que nous connaissons était le franchissement de fossés. L’escalade qui s’accomplissait sur rocher a fini par se pratiquer sur les supports artificiels conçus ou non à cet effet. Dès les années 1970 puis plus nettement dans les années 1980, les structures artificielles se sont développées tout d’abord en reproduisant plus ou moins fidèlement les formes rocheuses. Progressivement, à des fins de rationalisation tant des procédés de fabrication, que du traçage de voies ou encore des techniques corporelles, les supports ont pris des formes qui n’avaient plus rien à voir avec le rocher dont elles procédaient originellement.

Cette artificialisation en interaction avec la rationalisation des techniques du corps a aussi eu une conséquence majeure qui est déassujettir la pratique et donc l’élargissement de son recrutement à la présence de falaises, blocs et autres. On peut faire l’hypothèse d’un effet massif sur la démographie de la pratique et notamment sur l’élargissement de la base sociale de recrutement. La conséquence est que cet élargissement rend plus rapide encore la sportivisation et la coupure à l’égard des formes originales de pratique en extérieur tout comme vis-à-vis de la culture de la grimpe. Le processus d’artificialisation peut donc être étudié en lui-même mais aussi pour voir ce qu’il engendre. Ici un travail démographique qui viendrait mettre en évidence à nouveau dans une perspective internationale cet élargissement supposé de la base sociale de recrutement des escalades serait nécessaire.

Mais ce mouvement d’abstraction touche aussi les modes de communication. Ainsi, comme les autres sports nouveaux ou modalités nouvelles de sport anciens, dans les années 1970, l’escalade libre se différencie de l’alpinisme en pratique mais aussi à l’écrit. Les revues spécialisées étaient des lieux d’action y compris à des fins commerciales jusqu’à ce qu’elles soient largement supplantées par les réseaux sociaux et autres sites internet de l’ère digitale et du marketing viral. On peut alors imaginer que ce soient transformée l’économie des rôles qui s’établissait entre le grimpeur commercialisant son image, le photographe, le journaliste et le sponsor.

 

Keynote 2. L’artificialisation des supports d’escalade : une réification des enjeux institutionnels.

Jean-Marc BLANCHE, Architecte de murs d'escalade, artisan and observateur, FRANCE

Blanche

Jean-Marc Blanche est sans doute à la fois le premier architecte à s’être intéressé la fonction sociale des murs d’escalade mais aussi au fait qu’ils étaient des productions socialement situées. Il y consacre son sujet de diplôme d’architecture dans les années 1970. Il a ensuite été un artisan collaborant avec les industriels du secteur mais aussi les instances internationales en fournissant les murs des plus grandes compétitions nationales et mondiales. Il reste l’observateur le plus perspicace à l’échelle internationale du phénomène d’artificialisation des escalades de par son activité de conception de SAE tant en Europe qu’aux Etats-Unis. Il peut à la fois établir la généalogie de cette artificialisation tout en la documentant. Il peut aussi comprendre les phénomènes sociaux, les dynamiques du microcosme de l’escalade qui engendre les supports physiques que sont les murs et à titre intermédiaire la mise en place d’une motricité compétitive légitime par une catégorie d’ouvreurs qui se font les agents de la sportivisation de l’activité c’est à dire de sa mise en forme spectaculaire.

 

La marchandisation des escalades

Appel à communication sur la marchandisation :

A partir des années 1980, la « tribu chevelue jacassante et indisciplinée » amatrice de cette « activité dangereuse et fabuleusement inutile » (Pessemesse,1990) adoptait des mœurs sportives et une coupe en brosse, chassant le sponsor à coup de publication dans les magazines spécialisés. Une industrie spécifique se structurait tandis qu’au milieu des années 1990 des majors de l’industrie du sport s’intéressaient aux escalades : Reebok, adidas, Fila, Salomon avant de se rendre compte que le ticket d’entrée culturel imposé par les grimpeurs n’était pas à leur portée. Pour autant cependant, ces majors font leur retour à l’heure du succès des formes les plus sportives et urbaines d’escalade mais aussi de la perspective olympique.

Par ailleurs, une véritable industrie encore en désordre des structures d’escalade répond au besoin grandissant des centres d’escalade urbains et autres climbing gym. Ce secteur connaît un mouvement de concentration avec des acteurs cherchant à s’implanter sur des territoires nationaux par un système de franchises. Ce secteur s’organise aussi en une véritable branche professionnelle, aux Etats-Unis notamment, avec une intelligence marketing sur le devenir de leur secteur mais aussi des formations dédiées. Il y a lieu ici de tenter une description du secteur et de ses logiques de développement.

Enfin, certaines collectivités, dans un contexte le plus souvent de crise économique, de désindustrialisation ou plus simplement de diversification de leurs activités touristiques cherchent à inventer des formes économiques attachées à leurs territoires. Dans cette perspective, ces collectivités possédant sur leur territoire des falaises, s’inventent en destination touristiques par des initiatives privées, publiques. Cette mise en tourisme des falaises est désormais un phénomène mondial avec cependant des destinations phares : les USA, l’Espagne, la France, la Grèce et l’ile de Kalymnos en particulier. D’autres destinations émergent : Madagascar, la Turquie, l’Afrique du Sud, l’Argentine ou la Chine. Il semble ici important de saisir la logique de ces mises en tourisme mais aussi leurs impacts positifs sur les économies locales tout comme leurs externalités négatives sur l’environnement naturel ou humain (conflit d’usage, captation privée des profits réalisés sur des biens communs, etc.).

 

Keynote 3. L’expérience touristique de l’escalade libre

Jillian RICKLY, Nottingham University business school, UNITED KINGDOM

Rickly

Jillian Rickly est enseignant-chercheur en gestion du tourisme à l'école de commerce de l'université Notthingham. Une partie de ses recherches sont concentrées sur la pratique de l'escalade dans Red River Gorge (KY) et résume en particulier les façons dont les seuils d'hébergement / invitation se dissolvent avec la croissance d'infrastructures associées à l'escalade. semi) la privatisation de l'espace public et les tentatives de localisation. De plus, elle met en évidence la façon dont la mobilité est utilisée pour maintenir une entité politique locale, ainsi que pour forger des identités avec The Red comme lieu de pratiques d'hospitalité subculturelles distinctes. Les pratiques d'hospitalité affirment les relations de pouvoir, elles communiquent qui est à la «maison» et qui a le pouvoir dans un espace particulier pour étendre l'hospitalité. La décision d'étendre l'hospitalité n'est pas simplement la différence entre une rencontre éthique et une rencontre conditionnelle. Cela se passe dans la définition même de l'identité. Ainsi, l'intégration d'une perspective des mobilités dans les études d'hospitalité éclaire davantage les politiques spatiales qui sont en jeu dans une éthique de l'hospitalité.

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